16ème rendez-vous avec l’icône Design de la semaine dédiée à l’icône des icônes : le Rouge & Bleu de Gerrit Rietveld.

Quinze bandes en bois de hêtre, deux planches de contreplaqué, les trois couleurs primaires et le noir. Ce sont les ingrédients utilisés pour créer l’une des pièces les plus emblématiques de tous les temps: la célèbre chaise rouge et bleue de Rietveld.

À le voir, on dirait la représentation tridimensionnelle d’une œuvre de Piet Mondrian, ce n’est pas pour rien que c’est devenu le manifeste du mouvement De Stijl.
Fils d’un charpentier, Gerrit Rietveld se rapproche bientôt de la profession de son père. Encore jeune et inexpérimenté, il expérimente dans le domaine du design de meubles, faisant table rase du passé : il cherche de nouveaux modes d’expression, de nouvelles formes.

Les recherches de Rietveld tendent vers l’abstraction, à l’essentiel et culmineront avec le prototype (en 1918) de ce qui deviendra le « Roodblauwe Stoel ».

La première version de la chaise n’est pas colorée et est antérieure à la rencontre fatidique avec Theo Van Doesburg et Piet Mondrian (fondateurs de De Stijl). Cinq ans plus tard, la version finale sera présentée, parfaitement alignée sur les principes du mouvement. Le langage utilisé est réglementé par les normes d’or de l’art classique et utilise des formes géométriques simples et des couleurs primaires: rouge, jaune et bleu.
La couleur est le premier schéma de la matière selon l’esthétique goethéenne: le jaune est le mouvement vertical des rayons du soleil, le bleu est l’horizon céleste qui contraste avec le jaune et le rouge est l’union des deux, qui se produit à l’aube et au crépuscule.

Pour De Stijl, la couleur était un matériau de construction et non un simple élément décoratif.

Les différentes parties de la chaise sont assemblées par simple juxtaposition et se chevauchent sans s’emboîter ni s’interpénétrer afin de « relier les différentes parties sans les mutiler, afin d’éviter que l’une ne domine l’autre en la recouvrant ou en la mettant en situation de dépendance » comme l’a expliqué le designer lui-même.
Précurseur des théories fonctionnalistes, Rietveld était aussi particulièrement avant-gardiste dans la distribution de ses produits.
Le matériau pour construire la chaise pouvait facilement être trouvé sur le marché à bas prix, l’assemblage était rapide et simple; Ces facteurs ont rendu possible la production en série à l’échelle industrielle.

Géométrique, linéaire, avec des proportions bien équilibrées; le « Roodblauwe Stoel » transmet un sentiment d’harmonie dans l’ensemble. Cependant, le confort ne peut pas être compté parmi ses principales caractéristiques…

Un choix délibéré : Rietveld voulait créer un siège qui permettrait la relaxation mais pas le sommeil, une séance qui encouragerait la réflexion, ou, comme il l’appelait, un « éveil de la conscience ».

« Le but de cette chaise est de simplifier les parties individuelles, de préserver la forme intrinsèque dans le caractère original et les objectifs des matériaux utilisés, la même forme qui conduit à la formation d’une entité harmonieuse grâce à l’adoption d’un module spécifique pour les différents éléments distincts. La structure de la chaise est telle que les différentes parties peuvent être reliées les unes aux autres sans les mutiler, de manière à éviter que l’une ne domine sur l’autre en la couvrant ou en la mettant en situation de dépendance; De cette façon, tout est libre dans l’espace. La forme est née en vertu du matériau. Les critères d’agrégation que j’ai utilisés permettent l’utilisation de bandes de bois de 2⁵×2⁶ mètres. […] La chaise dite rouge et bleue sert donc également à démontrer qu’il est possible de créer quelque chose de beau qui intervient plastiquement sur l’espace avec l’utilisation d’éléments simples et purs produits par les machines »